Centre de Recherches Insulaires et observatoire de l'environnement. UAR 3278 UPVD CNRS EPHE-PSL (CRIOBE)
13 juin 2025
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Parmi les exemples emblématiques de symbiose mutualiste, l’un des plus célèbres est celui des poissons-clowns et des anémones de mer. Les poissons-clowns trouvent refuge parmi les tentacules urticants des anémones, qui les protègent efficacement de leurs prédateurs. En échange, les poissons-clowns nettoient l’anémone, la défendent face à d’éventuels agresseurs comme certains poissons papillons, et améliorent l’oxygénation de leur hôte par leurs mouvements constants.
La symbiose entre le poisson-clown et l’anémone de mer est un cas d’école.
Un mystère fascinant
Toutefois, la manière dont les poissons-clowns parviennent à éviter les piqûres toxiques de leur hôte est un mystère qui fascine les scientifiques depuis de nombreuses années mais qui reste encore non résolu. Quel(s) mécanismes les poissons-clowns ont-ils mis en place pour échapper à l’action paralysante des nématocystes, les cellules urticantes des anémones? C’est à cette question qu’un groupe de chercheurs franco japonais a tenté de répondre. L’hypothèse explorée suggère que la composition du mucus recouvrant la peau des poissons-clowns joue un rôle clé dans cette tolérance. Plus précisément, ce mucus contiendrait des niveaux plus faibles de sucres spécifiques appelés acides sialiques, qui sont reconnus par les tentacules comme des signaux déclencheurs de la piqûre chez d’autres espèces.
Les travaux de ces chercheurs ont permis d’apporter plusieurs éléments de preuve solides à l’appui de cette hypothèse :Le mucus des poissons-clowns contient en effet des concentrations plus faibles d’acides sialiques que celui de leurs plus proches parents, les poissons demoiselles, qui, eux, ne vivent pas en association avec les anémones et sont vulnérables à leurs piqûres. Cette réduction des acides sialiques semble être une caractéristique spécifique au mucus, et non observable dans d’autres tissus tels que le cerveau, le tube digestif ou les muscles. Cela indique que cette adaptation est localisée et probablement liée à un mécanisme évolutif ciblé. Les larves de poissons-clowns possèdent initialement un mucus riche en acides sialiques, ce qui les rend sensibles aux piqûres. Mais au moment de leur métamorphose, transformation majeure qui marque le passage de la larve au juvénile ressemblant à un adulte miniature, ces composés diminuent fortement dans le mucus, conférant ainsi une protection aux juvéniles alors prêts à s’installer dans une anémone.
Les chercheurs ont également découvert que le mucus des anémones ne contient pas non plus d’acides sialiques, ce qui permet de formuler l’hypothèse que les poissons-clowns auraient peut-être détourné le système que les anémones utilisent pour éviter de se piquer elles-mêmes.
Enfin, de manière encore plus surprenante, une espèce de poisson demoiselle, Dascyllus trimaculatus, connue pour pouvoir également vivre en association avec certaines anémones, présente une adaptation similaire : une réduction des niveaux d’acides sialiques dans son mucus. Ce phénomène s’apparente à un cas de convergence évolutive, c’est-à-dire lorsque deux espèces distinctes développent indépendamment des traits similaires pour faire face à des pressions environnementales analogues. Ce cas illustre bien à quel point l’évolution peut conduire à des solutions similaires chez des organismes différents, face à un même défi écologique.
Un jeune Premnas biaculeatus dans son anémone Entacmaea quadricolor.
Cette étude, en plus d’élucider un mystère de longue date sur le plan biologique, ouvre de nouvelles perspectives dans l’étude des relations symbiotiques et des mécanismes d’adaptation chimique dans les environnements marins. Elle révèle l’existence d’interactions moléculaires jusque-là inconnues et met en lumière la complexité et la subtilité des relations interespèces dans les océans. Ces résultats peuvent également avoir des retombées dans le domaine de la conservation: mieux comprendre comment certaines espèces cohabitent et interagissent peut aider à protéger ces relations précieuses et parfois fragiles, qui forment en elles-mêmes des micro-écosystèmes essentiels à la biodiversité marine.
Création d'une rubrique de vulgarisation scientifique
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À travers ses deux écoles doctorales, ses 16 unités de recherche et ses six plateformes technologiques, la recherche à l’UPVD est marquée par sa pluridisciplinarité et sa transdisciplinarité qui lui permettent aujourd’hui d’aborder de nombreux sujets liés à l’environnement, la biodiversité, les arts, les sciences politiques et sociales ou encore l’économie. Résolument engagée dans un esprit de partage de ses connaissances et de valorisation des travaux chercheurs, l’UPVD s’inscrit ici dans une volonté de promotion de la science au service de la société.