CRESEM (UR 7397 UPVD)
22 février 2025
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Photo d'illustration
Dès le cinéma des premiers temps, qui coïncide avec l’émergence de la psychanalyse et le développement de la psychiatrie moderne (née au milieu du XIXe siècle), le malade mental, préférablement interné, a donné lieu à des représentations diverses.
On peut relever les représentations carnavalesques voire grand-guignolesques, comme dans le tout premier film « psychiatrique » jamais réalisé, Dr Dippy’s Sanatorium (1906), ou encore dans l’adaptation cinématographique en 1913 par Maurice Tourneur du « Système du Dr Goudron et du Professeur Plume », nouvelle d’Edgar Poe. Cette dernière raconte un retournement insurrectionnel au sein d’une « maison de santé » où les fous ont pris les commandes de l’asile et mis les soignants sous clef.
Les fictions filmiques asilaires ont souvent repris ce thème de l’asile comme un microcosme de l’inversion de l’ordre normal du monde, invitant le spectateur à observer des univers où la déraison est devenue le maître mot. On peut songer à des titres comme La maison du Dr Edwardes d’Alfred Hitchcock (1945), où la clinique psychiatrique se fait le terrain d’une enquête haletante.
Il existe aussi des titres plus politiquement engagés comme La Tête contre les Murs de Georges Franju (1959), Shock Corridor de Samuel Fuller (1963) et Vol au-dessus d’un Nid de Coucous de Milos Forman (1975), film exemplaire du genre depuis près d’un demi-siècle. L’institution psychiatrique y est dénoncée comme structure carcérale et mortifère selon la thèse du « Grand Renfermement » développée par Michel Foucault.
Cette thèse trouve dans le décor de l’asile une unité de lieu propre à une dramaturgie efficace, comme l’attestent des exemples récents, tels Shutter Island de Martin Scorsese (2010) ou Le Bal des Folles de Mélanie Laurent (2021).
Plus trouble et plus risquée est la question de la représentation du malade mental entendu comme sujet, « patient » plus ou moins impatient. De manière incontestable depuis le début des années 1960 et l’invention du « cas » Norman Bates (Anthony Perkins) par Alfred Hitchcock dans Psychose, le malade mental apparaît souvent comme un personnage pulsionnel et violent.
Une séance de cinéma de Courts-Circuit 66
Un cliché éloigné des réalités cliniques
Cette représentation efficace mais fallacieuse du psychotique comme fou dangereux, qui a culminé dans les films d’horreur de psycho-killers des années 1970 et 80, a laissé des traces durables dans la stigmatisation du malade mental. Des titres assez récents comme Split de M. Night Shyamalan (2016) continuent à véhiculer ce cliché éloigné des réalités cliniques des patients en souffrance psychique.
C’est précisément la prise en compte de la dimension pathologique de la maladie mentale qui fait défaut dans de nombreux films mettant en scène la catastrophe subjective de la psychose. Elle est pourtant essentielle si l’on veut accéder à la douleur des autres et aux infinies turbulences de subjectivités défaillantes au travers de la fiction filmique.
Assez récemment, des films comme Spider de David Cronenberg (2001), Keane de Lodge Kerrigan (2004), Take Shelter de Jeff Nichols (2005) et bien sûr le premier Joker de Todd Phillips (2019) ont montré qu’il était possible de construire de tels récits sans forcément passer par une débauche de violence ou d’effets effrayants.
Il est probable que le second opus, Joker : Folie à deux, ne satisfera ni les fans de l’univers de DC Comics, ni les spectateurs convaincus par le premier volet de la série. Il nous permettra néanmoins de continuer de réfléchir à cette problématique où s’entremêlent les discours médicaux et artistiques.
Création d'une rubrique de vulgarisation scientifique
Depuis novembre 2024, le journal La Semaine du Roussillon consacre une rubrique sur les projets de recherche menés à l’Université de Perpignan Via Domitia (UPVD). Chaque semaine, un ou une scientifique issu.e d’un des 16 laboratoires de l’UPVD prend la plume et partage ses travaux de recherche de manière vulgarisée.
La Semaine du Roussillon est le premier hebdomadaire d’informations des Pyrénées-Orientales. Il publie, depuis 1996, de l’information générale couvrant l’ensemble du département sous la houlette de journalistes indépendants. Éditée par la SARL Les Éditions de Celestina, La Semaine du Roussillon n’appartient à aucun groupe de presse. Le journal traite de l’actualité avec un intérêt particulier pour les sujets de fond. Cette volonté se traduit aujourd’hui par la création d’une rubrique dédiée à la vulgarisation scientifique.
À travers ses deux écoles doctorales, ses 16 unités de recherche et ses six plateformes technologiques, la recherche à l’UPVD est marquée par sa pluridisciplinarité et sa transdisciplinarité qui lui permettent aujourd’hui d’aborder de nombreux sujets liés à l’environnement, la biodiversité, les arts, les sciences politiques et sociales ou encore l’économie. Résolument engagée dans un esprit de partage de ses connaissances et de valorisation des travaux chercheurs, l’UPVD s’inscrit ici dans une volonté de promotion de la science au service de la société.