Résumé
Cela étant posé, il sera question de penser un type d'être humain à même de mettre en œuvre une telle relation humaine éthique et non morale. La figure d'homo alterus sera alors discutée dans les ternes d'une nouvelle anthropologie permettant de relativiser les anthropologies trop peu questionnées d'homo œconomicus et d'homo clausus. Au final, ce qu'il s'agit de proposer, c'est une éthique de la disponibilité aux autres, au monde et à soi pour réaliser l'humanité qui est en nous. La conférence reprend les thèses développées dans l’ouvrage Décloisonner les identités paru aux Editions Le Cavalier Bleu en 2024.
Note : Cette intervention s’inscrit dans le cycle des conférences « Refuges » de l’UPVD.
Intervenant
- Hervé MARCHAL, professeur de sociologie à l’Université de Bourgogne (LIR3S UMR CNRS 7366), Directeur de la MSH de Dijon (UAR CNRS-UB 3516) et rédacteur en chef de Retraite et société.
- Date : lundi 22 septembre 2025
- Horaire : 17h30-19h00
- Lieu : campus Moulin-à-Vent, Amphi 2
- L’inscription est gratuite et obligatoire avant le 22 septembre 2025 sur le site acofis.org
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Sciences et actions sociales à l’épreuve des réalités sociales
- Présentation
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Nous inscrivant dans le projet scientifique porté par la revue Sciences et Actions Sociales (https://journals.openedition.org/sas/267), ouverte aux débats intellectuels et à la diversité des approches des phénomènes sociaux dans une optique pluridisciplinaire et comparative – à l’échelle internationale, nationale, régionale et locale – en vue de contribuer à une pensée critique de la réalité sociale dans une perspective émancipatrice et de transformation sociale, cette année, nous souhaitons traiter des rapports entre la sociologie (et plus largement les sciences sociales) et l’action.
Dans un texte intitulé « sociologie et sciences sociales » publié en 1903, Émile Durkheim souligne déjà que « le mot sociologie a été créé par Auguste Comte pour désigner la science des sociétés. Si le mot était nouveau, c’est que la chose même était nouvelle ; un néologisme (mot nouveau ou sens nouveau) était nécessaire. (…) Tout autre est le but du sociologue qui étudie les sociétés simplement pour les connaître et les comprendre, comme le physicien, le chimiste, le biologiste font pour les phénomènes physiques, chimiques et biologiques. Sa tâche est uniquement de bien déterminer les faits dont il entreprend l’étude, de découvrir les lois selon lesquelles ils se produisent, en laissant à d’autres le soin de trouver, s’il y a lieu, les applications possibles des propositions qu’il établit » (Émile Durkheim, « Sociologie et sciences sociales » (1903) in La science sociale et l’action, Paris, éd. Puf, coll. Quadrige, 2010 (1970), p. 142-143).
À la même époque, Max Weber précise également ce qu’est la sociologie. Pour penser la « rationalisation du monde », Weber souligne que la réalité sociale est si complexe qu’il est impossible de rendre compte de la totalité du réel. Le chercheur doit donc être humble et opérer une sélection des faits (idéaltype). Cependant, une fois cette sélection opérée, l’ensemble de la démarche doit être scientifique et avoir une valeur universelle, même s’il est indispensable de prendre en compte la subjectivité du chercheur (neutralité axiologique).
Pour Durkheim et Weber, même si l’un s’inscrit dans une « sociologie du système » et l’autre dans une « sociologie de l’acteur », tous deux affirment que les sociologues, même insérés dans le monde social qu’ils étudient, doivent analyser la réalité sociale, c’est-à-dire « ce qui est », sans juger de ce qui est « bien » ou « mal » et tenter d’objectiver leurs propres valeurs et convictions.
Dans une célèbre conférence (Max Weber, Le savant et le politique, Paris, éd. Plon, 2002 (2019)), Weber s’interroge sur les différences entre le « savant » et le « politique ». Il décrit la spécificité des acteurs politiques amenés à articuler « éthique de conviction » et « éthique de responsabilité » et celle des savants, enjoints à construire une « neutralité axiologique » pour objectiver leurs travaux. Plus précisément, selon Weber, la neutralité axiologique consiste à distinguer un « fait de connaissance » (objectif) et un « jugement de valeur » (subjectif). Elle ne consiste pas à nier toute valeur mais à les affirmer préalablement et à expliquer clairement les présupposés à partir desquels on opère une sélection des faits. L’objectivité en sciences sociales consiste donc à assumer la subjectivité des choix, c’est-à-dire le rapport aux valeurs qui conditionnent l’orientation donnée à un travail de recherche.
Dans ce cadre épistémologique, le séminaire 2025-2026, en continuum de celui de 2023-2024 sur le « savant », le « politique » et les « recherches interventionnelles », propose d’approfondir l’interrogation sur la tension classique inhérente au métier de chercheur en sciences sociales partagé entre son « éthique de conviction » et son « éthique de responsabilité », entre son désir d’objectivation – qu’il tente de réaliser en mobilisant un ensemble de méthodes spécifiques –, de théorisation, mais également de participation, voire d’engagement dans la production de la société.
En effet, lorsque l’on s’inscrit dans une démarche de recherche aspirant à une certaine « neutralité axiologique » (au sens weberien d’assumer pleinement la subjectivité des choix épistémologiques – rapport aux valeurs), l’articulation de la sphère de l’analyse et de celle de l’action n’est jamais simple. Le chercheur peut soit développer une pensée dénonciatrice, corporatiste et en rupture avec la réalité sociale, soit devenir l’opérateur d’une simple production d’expertise où la fonction de conseiller prend le pas sur la production de connaissances. La question centrale qu’il faut alors résoudre est : comment ne pas fusionner mais aussi ne pas dissocier trop fortement l’analyse, l’action et l’éthique ?
Lors de ces séminaires, nous souhaitons donner la parole à des personnalités scientifiques engagées dans les champs social, politique et scientifique et désirant articuler des capacités d’analyse et d’action sans pour autant céder sur l’exigence scientifique et déontologique.
Nous voulons interroger les tensions épistémologiques, éthiques et politiques qui traversent les « chercheurs réflexifs » (c’est-à-dire en capacité de penser leurs actions, postures et ambivalences pour mieux les comprendre) en sciences sociales plébiscitant une approche de recherche au service de la connaissance et du changement social.
À partir de leurs travaux, de leurs choix méthodologiques, de leurs expériences, de leurs épreuves biographiques et de leurs engagements sociopolitiques, il s’agira de questionner, sans confondre « le savant et le politique », la possibilité de produire à la fois des connaissances scientifiques et des savoirs expérientiels et professionnels à visée transformatrice.
Conscients que leurs travaux peuvent être utilisés pour augmenter l’autonomie des acteurs sociaux mais aussi instrumentalisés pour renforcer les dynamiques de contrôle, voire de répression, nous demanderons : quelles stratégies les chercheurs invités mettent-ils en œuvre pour participer à l’amélioration des capacités de réflexion et d’action des acteurs, dans une optique émancipatrice ?
Dans la pratique, ces séminaires sont co-organisés par l’axe « Normes et interventions sociales » du CRESEM (UR 7397 UPVD) et le Groupement national des Hautes écoles et instituts en travail social (GNHEITS), en partenariat avec le Pôle Recherche Intervention Sociale Occitanie Manche Méditerranée (PRISOCM). Ce dernier regroupe des universités (Université de Perpignan, Université Paul Valéry Montpellier 3, Université Toulouse Jean-Jaurès) et des établissements de formation en travail social (IRTS Marseille, IDS Normandie, IFRASS et Erasme de Toulouse), ainsi que l’Association des chercheurs des organismes de la formation et de l’intervention sociales (ACOFIS).
Ils visent à apporter aux chercheurs, formateurs, enseignants, agents territoriaux, professionnels de l’intervention sociale, étudiants en travail social et en sciences sociales, ainsi qu’aux citoyens, des éléments d’analyse et de compréhension permettant d’éclairer leurs questionnements et leurs pratiques (formation, recherche, intervention sociale, vie sociale…). - Lieu - Contact - Inscription
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L’entrée est gratuite et les inscriptions sont obligatoires
Les séminaires sont organisés en comodal : parallèlement en présentiel au sein de l’une des institutions partenaires (voir le programme détaillé) et en distanciel (l’inscription sur le site acofis.org est nécessaire pour recevoir un lien zoom individualisé). Inscription Contact : manuel.boucher@univ-perp.fr