Pourra-t-on améliorer l’efficacité des panneaux solaires grâce à un phénomène connu empiriquement depuis le Moyen-Âge ?
crédit : Karsten Würth /Unsplash
Nous évoluons dans un monde gourmand en énergie. Au quotidien, nous devons chauffer notre logement, recharger notre smartphone, nous rendre au travail, où nous utilisons machines et ordinateurs. Toutes ces activités engendrent un coût énergétique dont une part importante est encore assurée, à l’échelle mondiale, par des énergies fossiles (pétrole, gaz, charbon). Mais, depuis quelques années, nous assistons à une lente transition vers des productions d’électricités décarbonées qui contribuent à réduire nos émissions de dioxyde de carbone, comme l’éolien ou le photovoltaïque.
Cette évolution s’accompagne de recherches visant à optimiser à la fois les processus de conversion d’énergie (amélioration des turbines et alternateurs ou des cellules solaires), et l’usage des matériaux qui sous-tendent ces processus. En amont des applications, il incombe donc aux chercheurs d’imaginer, de synthétiser, puis de vérifier les propriétés physiques de ces nouveaux matériaux qui seront utiles pour l’énergie.
Dans ce contexte, le déploiement de l’énergie solaire joue un rôle important, et l’installation de fermes solaires ou d’ombrières photovoltaïques sur des parkings est de plus en plus courante. En parallèle, même si la conversion de l’énergie solaire en électricité à l’aide de cellules photovoltaïques est connue depuis le milieu des années 1950, les efforts en vue d’améliorer son efficacité se poursuivent. Le matériau constituant le cœur d’une cellule est un semi-conducteur, par exemple le silicium, mais il en existe d’autres. En tout état de cause, ces semi-conducteurs ont tous une nature commune : leur propriété électrique change s’ils absorbent un rayonnement suffisamment énergétique, qui dépasse un certain seuil appelé le « gap ». C’est sur ce principe qu’ils sont utilisés pour produire de l’électricité.
Des vitraux médiévaux aux panneaux solaires nouvelle génération
Tout le rayonnement provenant du Soleil ne peut donc pas être converti en électricité par une cellule photovoltaïque. En effet, en observant un arc-en-ciel, nous constatons que la lumière qui nous parvient du Soleil est en réalité une superposition de différentes couleurs, du rouge au violet pour la partie visible. Mais il existe aussi les parties invisibles à l’œil, dont l’infrarouge et les ultra-violets. Certains photons (ou grains de lumière) du spectre solaire ne sont pas assez énergétiques, leur énergie est inférieure à celle du gap du semi-conducteur. D’autres photons ont une énergie beaucoup plus grande que le gap et une partie de cette énergie est perdue en chaleur, ce qui est néfaste au bon fonctionnement de la cellule. Ainsi, l’une des voies de recherche suivies consiste à optimiser la récolte des photons de façon à ce qu’ils contribuent efficacement au processus de conversion.
Pour cela, les photons doivent avoir une énergie au moins égale à celle du gap du semi-conducteur constituant la cellule, mais cette énergie ne doit pas être trop élevée non plus. L’enjeu est double : il importe d’une part, d’absorber le plus de photons possible tout en utilisant des cellules les plus minces possibles afin d’économiser les matériaux, et d’autre part, de sélectionner les « bons » photons, c’est-à-dire, ceux dont l’énergie est adaptée au gap du semi-conducteur constituant la cellule photovoltaïque. Depuis un peu plus d’une dizaine d’années, la communauté scientifique cherche à répondre à ce double défi en s’intéressant aux phénomènes optiques qui ont lieu dans le voisinage d’une structure métallique à l’échelle nanométrique. Ce champ de recherche, à l’interface entre optique et physique des solides, s’appelle la (nano) plasmonique.
L’un des effets marquants étudiés par la plasmonique est l’absorption et la diffusion de la lumière à certaines longueurs d’onde précises, qui dépendent du type de matériaux utilisés, de sa taille et de sa forme. Cela donne lieu à l’exaltation de certaines couleurs avec une intensité prononcée. Ce phénomène, connu de façon empirique et non contrôlée depuis le Moyen Âge, participe à intensifier les couleurs de vitraux, comme peut l’être le rouge de la rosace de la Sainte-Chapelle grâce à des inclusions dans le verre de nanoparticules de cuivre d’un diamètre moyen de 22 nanomètres.
Le rouge vibrant de la rose de la Sainte-Chapelle est le résultat de l’interaction entre la lumière et des nanoparticules de cuivre.
crédit : Stephanie LeBlanc /Unsplash
Le phénomène de résonance à l’origine de couleurs éclatantes
Alors que la lumière du Soleil arrivant sur le vitrail est une lumière blanche, comment se fait-il que les longueurs d’onde correspondant au rouge, comprises entre 600 nm et 700 nm, apparaissent si intenses après avoir interagi avec les nanoparticules de cuivre ?
Une partie des électrons du métal de la nanoparticule se déplace librement : lorsque la nanoparticule est éclairée, ces électrons sont entraînés dans un mouvement oscillant sous l’effet de la lumière. Pour autant, le métal dans son ensemble reste quant à lui globalement statique, cherchant à ramener les électrons à une position d’équilibre. Il s’agit d’un problème bien connu, un peu comme un pont où les haubans ramènent le tablier à une position d’équilibre et sur lequel des soldats marchent au pas cadencé, provoquant une oscillation forcée de la structure.
Pour une cadence bien choisie, l’amplitude d’oscillation du pont sera maximale, et la structure entre en résonance. Il en va de même pour les électrons de la nanoparticule et la lumière : pour certaines longueurs d’onde, la réponse du système est maximale, et les couleurs correspondantes sont exaltées. C’est le cas du rouge dans les vitraux de la Sainte-Chapelle. Et ce phénomène physique peut être exploité pour mieux absorber la lumière dans une cellule photovoltaïque.
De nombreux défis encore à relever, en théorie comme en pratique
Pour une nanoparticule isolée, la physique, décrite ci-dessus, est bien comprise. Cependant, pour tirer parti de ce phénomène, et passer aux applications pour l’énergie solaire, il est nécessaire d’appréhender les effets collectifs complexes qui émergent dès lors que nous avons affaire à des assemblées de nanoparticules qui interagissent au sein d’un autre matériau. En imaginant des assemblées de nanoparticules métalliques noyées dans une cellule photovoltaïque, l’effet escompté doit être multiple : la lumière doit avoir une gamme de fréquences ajustée au gap de la cellule et la diffusion de la lumière doit s’effectuer dans des directions contrôlées de façon à maximiser le chemin optique au sein de la cellule. Ainsi, la récolte de photons sera optimisée.
Mais pour arriver à ce résultat, d’importants travaux de recherche théoriques et expérimentaux sont nécessaires en amont. Expérimentalement, le premier défi est de développer une synthèse de ces assemblées en utilisant des procédés peu coûteux et fiables. En effet, les propriétés optiques finales de l’assemblée ne peuvent être assurées que si la taille, la forme, et la distribution spatiale des nanoparticules sont finement contrôlées lors de la synthèse. Actuellement, des procédés de dépôt chimique faisant intervenir des plasmas à pression atmosphérique sont une piste possible, mais ils réclament un travail de fond pour comprendre les mécanismes fondamentaux afin qu’ils puissent être déployés.
D’un point de vue théorique, l’un des objectifs est d’être en capacité de prédire les propriétés optiques d’une assemblée de nanoparticules donnée, ou, mieux encore, de pouvoir guider la synthèse vers l’assemblée idoine.
Comme nous le voyons, s’il y a encore du chemin à parcourir pour que la nanoplasmonique prenne pleinement sa place dans les applications de conversion de l’énergie solaire, les pistes sont prometteuses. Outre cette application liée à la conversion d’énergie, et malgré des exemples empiriques qui datent de temps anciens, la plasmonique demeure un domaine très riche, moderne et actif de la physique.
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Auteur :
- François Vernay, Professeur des universités, spécialisé en physique des solides et interaction lumière-matière, Université de Perpignan Via Domitia
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.
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