Centre de Recherches Insulaires et observatoire de l'environnement. UAR 3278 UPVD CNRS EPHE-PSL
2 mai 2025
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Notre région est très concernée par les activités viticoles. Comme beaucoup d’autres cultures, la vigne est soumise à de nombreuses maladies, notamment le mildiou. Cette maladie est causée par un champignon pathogène. Elle provoque une réduction de la surface foliaire et une fragilisation des sarments. Pour lutter contre cette maladie, le seul traitement efficace reste à ce jour la bouillie bordelaise dont le principe actif est le sulfate de cuivre. Aujourd’hui, des primes à l’arrachage ont été mises en place pour aider les viticulteurs dont les parcelles ne sont plus rentables. C’est ainsi que des milliers d’hectares de friches ont été recensés dans le Languedoc-Roussillon. Une présence massive d’inule visqueuse (Dittrichia Viscosa) a été observée dans ces friches dont le sol est contaminé en cuivre. L’inule visqueuse est une plante médicinale traditionnelle du bassin méditerranéen. L’objectif de mes travaux est de caractériser le stress potentiellement causé par le cuivre chez l’inule visqueuse puis de déterminer si l’ajout de bio-intrants présente un intérêt agronomique pour la production d’inule.
L’inule visqueuse sert de témoin pour mesurer les conséquences de la pollution des sols.
Un bio-intrant est un être vivant (exemple : micro-organisme) ou un élément d’origine biologique ajouté à une parcelle agricole dans le but d’améliorer une production. Depuis juin 2019, la législation européenne a autorisé l’utilisation de bio-intrants pour lutter contre les stress abiotiques dont le stress par le cuivre. Beaucoup d’affirmations positives sont faites sur les bénéfices des bio-intrants, mais trop peu de travaux de recherche sont réellement menés pour valider cette posture. Pour évaluer les effets du cuivre, j’étudie plusieurs paramètres dont les paramètres morphologiques de la plante (le nombre de feuilles, la longueur des racines…), le métabolome des feuilles de l’inule, c’est-à-dire les molécules présentent dans les feuilles et leur perturbation sous stress métallique, ainsi que les communautés bactériennes de la rhizosphère (partie du sol proche des racines de la plante où sont présents différents micro-organismes comme les bactéries) de l’inule. Ces communautés de micro-organismes participent activement à la croissance des plantes par leur activité métabolique, notamment en transformant des nutriments non-disponibles pour les plantes pour les rendre assimilables. Ces communautés bactériennes sont donc un paramètre important à prendre en compte pour caractériser le stress induit par le cuivre chez l’inule visqueuse.
Inule visqueuse – Photo prise à Ille-sur-Têt le 27/09/04 Jean Tosti 10/2004 / Wikimédia
Le rôle des communautés bactériennes
Pour pouvoir étudier et mesurer l’effet de cet élément chimique, j’ai réalisé une première expérimentation en laboratoire. Des plants d’inule ont été cultivés dans un phytotron, une enceinte dans laquelle la température, l’humidité et la lumière sont contrôlées. Certains sols de plants d’inule ont été exposés à de la bouillie bordelaise et d’autre non (qui seront nos individus témoins) afin de pouvoir comparer les paramètres, présentés ci-dessus, chez des inules stressées (exposées au cuivre) et non stressées (non exposées au cuivre). Cette expérimentation a permis de mettre en évidence plusieurs impacts du cuivre chez l’inule. Les premiers résultats montreraient que pour se protéger du cuivre, l’inule va le concentrer dans ses racines. Aussi, une augmentation de certaines molécules réduisant le stress oxydatif de l’inule a été également observée chez les inules stressées. Par ailleurs, entre un sol traité au cuivre avec présence ou absence d’inule, la composition des communautés microbiennes est différente alors qu’elle ne l’est pas pour un sol non traité avec présence ou absence d’inule visqueuse. Lors de l’application de très grandes quantités de cuivre bien au-delà de ce qui peut être trouvé dans des sols fortement contaminés par cet élément chimique, nous avons observé que le cuivre inhibe la croissance des racines. Aujourd’hui, il reste à reproduire l’expérimentation en y incluant des bio-intrants afin d’évaluer si ces bio-intrants pouvaient réduire le stress généré par le cuivre chez l’inule visqueuse. À moyen terme, les résultats obtenus dans mon travail de thèse devraient participer au développement d’une nouvelle filière d’exploitation d’inule visqueuse dans les Pyrénées Orientales. Cette plante peut avoir des applications prometteuses. Notamment, la société Akinao, en partenariat avec l’Université de Perpignan Via Domitia, a développé un bio-fongicide issu d’une extraction de l’inule visqueuse afin de proposer un traitement alternatif à la bouillie bordelaise luttant contre le mildiou de la vigne. Ce travail de thèse très pluridisciplinaire est réalisé au sein de 3 laboratoires de l’Université de Perpignan Via Domitia avec différentes expertises, les laboratoires CRIOBE (Dr M.-V. Salvia et Pr Cédric Bertrand), LBBM (Dr C. Calvayrac) et CEFREM (Dr D. Aubert) et est soutenu par la Chaire AgroLab Biomed de la Fondation de l’Université De Perpignan.
Création d'une rubrique de vulgarisation scientifique
Depuis novembre 2024, le journal La Semaine du Roussillon consacre une rubrique sur les projets de recherche menés à l’Université de Perpignan Via Domitia (UPVD). Chaque semaine, un ou une scientifique issu.e d’un des 16 laboratoires de l’UPVD prend la plume et partage ses travaux de recherche de manière vulgarisée.
La Semaine du Roussillon est le premier hebdomadaire d’informations des Pyrénées-Orientales. Il publie, depuis 1996, de l’information générale couvrant l’ensemble du département sous la houlette de journalistes indépendants. Éditée par la SARL Les Éditions de Celestina, La Semaine du Roussillon n’appartient à aucun groupe de presse. Le journal traite de l’actualité avec un intérêt particulier pour les sujets de fond. Cette volonté se traduit aujourd’hui par la création d’une rubrique dédiée à la vulgarisation scientifique.
À travers ses deux écoles doctorales, ses 16 unités de recherche et ses six plateformes technologiques, la recherche à l’UPVD est marquée par sa pluridisciplinarité et sa transdisciplinarité qui lui permettent aujourd’hui d’aborder de nombreux sujets liés à l’environnement, la biodiversité, les arts, les sciences politiques et sociales ou encore l’économie. Résolument engagée dans un esprit de partage de ses connaissances et de valorisation des travaux chercheurs, l’UPVD s’inscrit ici dans une volonté de promotion de la science au service de la société.