Trois récits pour définir la culture catalane, aquí
Auteur : Joan Peytaví Deixona, directeur de l’Institut franco-catalan transfrontalier (IFCT) de l’UPVD.Définir la culture catalane revient à parler d’un sentiment d’identité, d’une appartenance spécifique adaptée à un monde qui accélère, à être un « ultralocal » visible et sensible au monde. Ici, dans les Pyrénées-Orientales, se vit une catalanité particulière.
La culture catalane de cette terre est à la fois une réalité que « l’étranger » perçoit souvent plus que le naturel et un continuum historique dont il faut respecter la perspective millénaire et l’empreinte vivace. On est ici dans une Catalogne qui n’est « ni tout à fait une autre, ni tout à fait la même », fruit d’un espace particulier tout autant que frontalier, entre Albères et Corbières, un coeur de Pyrénées sur la Méditerranée, happé par des forces centrifuges évidentes qui semblent sciemment ou non vouloir reléguer le territoire dans une périphérie.
Les Catalans d’aquí se fabriquent une catalanité ad hoc, identité contrainte par le temps et l’espace
Dans un récit millénaire, sur les hauteurs pyrénéennes aussi bien que dans la plaine se sont constitués de nombreux fondements de la politique et du droit catalans (Trêve de Dieu, Constitucions). La communauté catalane s’est forgée ici, autant qu’à Gérone, Vic ou Barcelone avant de partir vers des terres nouvelles. Perpignan participe primordialement à la construction d’une puissance économique (expansion, empire maritime), même si la marginalisation politique du XVIe et la crise du XVIIe mettent à mal la pérennité de cette puissance. Plus tard, le Roussillon devenant français se coupe peu à peu de ses bases séculaires pour devenir un « ultra midi ».
Après une réticence première, la volonté d’intégration à la France de la République est manifeste pour les élites contemporaines et les autres. Les racines marchandes sont toujours là et les capitaines d’industrie du XIXe et du XXe (Bardou, Violet, Pams) répondent présents à l’appel de l’aventure coloniale. Les Catalans d’aquí se fabriquent une catalanité ad hoc, identité contrainte par le temps et l’espace, utilisée pour un dessein recentré.
Au coeur de ce récit historique s’est élaboré un récit culturel encore plus prégnant, exceptionnel, celui de l’art. Les artistes ont laissé ici une trace hors norme à toutes les époques, préhistorique (Tautavel), ibère (Opoul, Ruscino), romaine (Elne), préromane (Cuixà), romane (Canigó, Elne), gothique (Perpignan), baroque (Prades, Espirà), néoclassique (Dorph-Petersen), en faisant de la région au XXe siècle le berceau du fauvisme et du cubisme.
Après une réticence première, la volonté d’intégration à la France de la République est manifeste pour les élites contemporaines et les autres. Les racines marchandes sont toujours là et les capitaines d’industrie du XIXe et du XXe (Bardou, Violet, Pams) répondent présents à l’appel de l’aventure coloniale. Les Catalans d’aquí se fabriquent une catalanité ad hoc, identité contrainte par le temps et l’espace, utilisée pour un dessein recentré.
Au coeur de ce récit historique s’est élaboré un récit culturel encore plus prégnant, exceptionnel, celui de l’art. Les artistes ont laissé ici une trace hors norme à toutes les époques, préhistorique (Tautavel), ibère (Opoul, Ruscino), romaine (Elne), préromane (Cuixà), romane (Canigó, Elne), gothique (Perpignan), baroque (Prades, Espirà), néoclassique (Dorph-Petersen), en faisant de la région au XXe siècle le berceau du fauvisme et du cubisme.
L’ensemble se révèle dans une géographie que l’histoire a finalement impliquée. Le récit géographique est particulier, original : un amphithéâtre naturel, dessiné par une orographie (étude des reliefs montagneux) simple et puissante, depuis les hauteurs cerdanes jusqu’aux fonds marins de Banyuls, pris dans un climat fait d’extrêmes méditerranéens, baigné d’une lumière vive et façonné par la force des vents.
Aussi, la synthèse que constitue la perspective longue d’une histoire catalane singulière, la finition d’un territoire et l’art du travail des habitants définissent le cadre de cette « nord-catalanité » qui a aussi convoqué un sentiment collectif du labeur (Llotja, gremis, somatent), la solidarité sur une terre éclatante mais dure (climat méditerranéen, montagnes du fer) et des réseaux d’échanges millénaires (irrigation, voies de communications).
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Mise à jour le 25 avril 2025