Les êtres vivants coexistants dans un habitat partagé participent à un dialogue biologique continu, échangeant non seulement des éléments nutritifs et des messages chimiques, mais aussi de l'ADN. Cette interaction extraordinaire est désignée par le terme "transfert horizontal". Une recherche récente conduite par des chercheurs et enseignants-chercheurs de l’Université de Perpignan, publiée dans la revue Plos Genetics, jette la lumière sur la fréquence surprenante de ces échanges génétiques entre les lianes et les arbres.
Résumé
Tout comme les scientifiques qui manipulent les gènes au laboratoire, la nature orchestre également le transfert d'ADN entre différentes espèces. Ce ballet génétique naturel, connu sous le nom de transfert horizontal, est un artisan méconnu de la diversité génétique, particulièrement chez les plantes supérieures. Ces dernières années, plusieurs exemples de ces échanges inter-espèces ont été révélés chez les eucaryotes. Bien que les mécanismes de ces échanges restent inconnus, les transferts horizontaux semblent principalement se produire dans le cadre de relations symbiotiques ou hôte-parasite, contribuant ainsi à l'enrichissement du répertoire génétique des espèces en intégrant des gènes étrangers.
La présente étude, conduite par le laboratoire Génome et Développement des Plantes de l’université de Perpignan, révèle pour la première fois l'existence d'échanges fréquents entre les lianes et les arbres qui ne partagent pas de relations hôte-parasite ou symbiotiques.
Cette découverte surprenante a été réalisée grâce à l'analyse des génomes de plusieurs espèces de plantes grimpantes et d'arbres, séquencés en partie grâce à la plateforme Bio-environnement. En collaboration avec Joseph Garrigue, conservateur de la Réserve Naturelle de la Massane, les chercheurs ont prélevé des échantillons de diverses espèces de lianes et d'arbres dans cette forêt catalane.
Pour ce faire, les chercheurs ont développé des outils informatiques innovants permettant de détecter les traces de ces échanges inter-espèces dans les données de séquençage brutes. Ceci a permis de révéler des échanges génétiques insoupçonnés, en comparant des milliards de séquences nucléotidiques à la recherche de similitudes inexpliquées par la simple hérédité. Cette exploration génétique est semblable à une quête linguistique, cherchant des similitudes entre des langues distantes, discernant l’ancien de l’emprunté, le natif de l’introduit. C'est au cours de cette aventure scientifique que des transferts horizontaux surprenants ont été découverts, notamment entre des lianes, telles que le lierre et le tamier, et des arbres comme le hêtre et le frêne. Bien que physiques, ces interactions n’étaient pas connues pour faciliter les transferts génétiques entre espèces.
Ce travail a été supervisé par Moaine El Baidouri, chercheur au CNRS. Il a été effectué dans le cadre de la thèse d’Émilie Aubin, doctorante à l’Université de Perpignan, avec la co-direction d’Olivier Panaud, professeur et directeur du laboratoire LGDP à l’UPVD.
- Laboratoire : Laboratoire Génome et Développement des Plantes (LGDP)
- Contact : Moaine El Baidouri
Référence
Genome-wide analysis of horizontal transfer in non-model wild species from a natural ecosystem reveals new insights into genetic exchange in plants. Aubin E, Llauro C, Garrigue J, Mirouze M, Panaud O, El Baidouri M (2023). PLoS Genet 19(10): e1010964. https://doi.org/10.1371/
journal.pgen.1010964
DOI : https://journals.plos.org/plosgenetics/article?id=10.1371/journal.pgen.1010964